Qu’est-ce qui fait un bon webtoon ?
Peut-on juger d’un art objectivement ? Certains diront que oui, d’autres que non. Le but de cet article n’est pas d’apporter une réponse à cette question, loin de là (ne soyons pas trop ambitieux). Mais plutôt de dresser une liste (probablement non-exhaustive) des éléments qui feront qu’un webtoon sera bon… ou pas.
Le dessin : style et couleurs
Le webtoon, c’est avant tout un support visuel. Le dessin y occupe donc une place capitale. Qui voudra lire une BD mal dessinée ou un comic book d’action aux combats illisibles ? Évidemment, chaque dessinateur possède son propre style, et y adhérer ou non relève plutôt d’une question de goûts personnels. Mais le webtoon, en tant qu’œuvre numérique, regorge de possibilités visuelles. Certains des plus populaires ont su jouer avec cette liberté créatrice pour donner vie à des œuvres uniques, au style souvent adapté à leur thème. True Beauty, par exemple, qui traite de maquillage et de beauté physique (et intérieure), possède un dessin très lissé, qui ressemble parfois presque à des photos retouchées. Ce style tranche souvent avec certaines expressions faciales grotesques de l’héroïne, dignes d’un bon meme, qui confèrent à l’oeuvre un côté humoristique très réussi.
À côté, SubZero, un webtoon de fantasy et de romance traduit en vf par MAKMA, marque par ses couleurs vives et scintillantes. L’auteure joue beaucoup avec le rouge et le bleu, qui symbolisent les deux protagonistes. Quant au soin apporté aux effets de lumière confère à ce webtoon un côté exotique et magique.
On peut aussi citer Lumine (également traduit par MAKMA) et son trait plus brouillon, beaucoup plus « mignon », qui devient extrêmement détaillé et travaillé lors des scènes les plus mémorables de l’histoire ; Sweet Home, aux couleurs plus sombres et plus ternes, en accordance parfaite avec son univers ; Hell is Other People, quasiment sans couleurs et au style plus « cartoonesque », avec des personnages plus ou moins disproportionnés, ce qui confère à l’œuvre un coté glauque et effrayant.
Bien sûr, les webtoons n’ont pas tous un style aussi caractéristique. Toutefois, le soin apporté au dessin et aux couleurs, que ce soit en termes de qualité ou de concordance avec le thème de l’œuvre, jouera beaucoup dans l’appréciation globale d’un webtoon. Il ne s’agit cependant pas du seul critère de jugement des lecteurs, loin de là.
La bande-son
Car la vue n’est pas le seul sens sollicité lorsqu’on lit un webtoon. Bien que plus rarement, l’ouïe peut également être mise à contribution – souvent pour une occasion spéciale, un évènement scénaristique qui se veut frappant. Certains auteurs ajoutent ainsi une bande-son à certains de leurs chapitres. S’il s’agit souvent d’un fond musical, certains incluent aussi des bruitages. La Jacinthe Violette est un des meilleurs exemples de cet aspect du webtoon. Le premier chapitre s’ouvre sur un revolver, qui s’accompagne d’un bang ! retentissant. Puis survient une musique qui s’accélère petit à petit, pour atteindre son climax à un moment clé du texte (selon la vitesse de lecture, le titre ou la fin de la première phrase).
Si l’usage d’une bande-son musicale reste privilégié lorsqu’un auteur veut ajouter une ambiance sonore à ses chapitres, l’ajout de bruits tels que le clapotement de l’eau, le tambourinement de la pluie ou le grondement du tonnerre reste pour moi les meilleures utilisations du son dans les webtoons, car ils dépendent moins de la vitesse de lecture qu’une simple musique. Mais là encore, tout est une question de goûts.
Contrairement au dessin, la bande-son n’a rien d’essentiel. Mais elle permet d’apporter un petit quelque chose en plus au style graphique. Et quand elle est particulièrement bien faite, elle peut rendre le chapitre qu’elle accompagne inoubliable. Cependant, ce n’est pas le dernier critère à prendre en compte quand on veut dessiner un webtoon…
Le découpage
Car qu’est-ce qui caractérise un webtoon ? Ses couleurs, son format… et son découpage. Fini les traditionnels caniveaux et cases carrées ou rectangulaires ; place aux parallélogrammes, hexagones et autres formes géométriques diverses. Souvent, les auteurs de webtoon qui maîtrisent le mieux ce genre de découpage d’apparence abstraite sont ceux qui l’adaptent correctement au récit qu’ils souhaitent raconter. L’outil le plus efficace réside dans l’utilisation des caniveaux, qui ne sont plus de simples frontières entre cases mais des contenus graphiques qui retranscrivent une atmosphère, des bulles ou que-sais-je encore. Ils permettent aussi de conférer plus de dynamisme au dessin, notamment grâce au format vertical du webtoon.
Un petit mot pour conclure…
Dans cet article, je liste principalement des critères qui relèvent du format. Mais il ne faut pas oublier le plus important ; l’histoire. Si le scénario n’a pas d’intérêt, si le récit ne mène nulle part, si les personnages sont mal écrits, le plus beau dessin du monde, la meilleure bande-son de l’univers et le découpage le plus habile de la galaxie n’y changeront rien. Comme disait Jean Gabin, « Pour faire du cinéma, il faut trois choses : primo, une bonne histoire, secundo une bonne histoire, et tertio une bonne histoire. »
Eh bien le webtoon, c’est comme le cinéma. Et ça, il ne faut surtout pas l’oublier !