En route vers le bonheur avec Épicure dans Philocomix

Par le 4 janvier 2021

Le webtoon Philocomix a pour vocation de conduire les lecteurs sur la voie du bonheur. Aussi c’est avec évidence qu’Épicure – philosophe iconique du bonheur – se voit attribuer une place dans l’aventure. Nous allons voir en quoi le philosophe, souvent associé au plaisir, est en réalité un auteur calomnié dont la doctrine est en vérité moins connue que ne l’est l’adjectif « épicurien ».

Épicure : une doctrine mal interprétée

Épicure est un philosophe mal compris et calomnié
L’Épicurisme : un hédonisme mal compris

Épicure et sa doctrine ont depuis toujours souffert de calomnies. Mais de quelle manière ? Souvent associé à l’hédonisme et au plaisir, le philosophe est pris pour ce qu’il n’est pas : un débauché !

Du grec ἡδονή (hédonê), l’hédonisme est la philosophie du plaisir. Toutefois il s’agit de s’interroger sur la nature de ce plaisir ! Car si d’aucuns se disent épicuriens lorsqu’ils font bonne chère, Épicure n’a pourtant rien de ceux que l’on nomme des bons vivants. Car l’épicurisme est en fait une éthique, une bonne conduite philosophique, et les épicuriens sont des ascètes.

Le plaisir, c’est la satisfaction d’un désir. Et Épicure divise les désir en trois catégories : il y a les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturels et non-nécessaires, et les désirs vains. Boire est un désir naturel, mais l’on peut très bien se contenter d’eau. Une boisson plus sophistiquée est l’objet d’un désir naturel mais non-nécessaire : on peut par exemple vivre et ressentir du plaisir sans boire de soda. Enfin, la gloire, les honneurs sont des désirs vains auxquels Épicure se refuse.

Le but envisagé par Épicure est la quiétude, qu’il nomme ataraxie : l’absence de trouble. Cet état s’atteint en équilibrant les plaisirs, et en évitant d’assouvir des désirs vains. Il s’agit là d’un véritable travail à faire sur soi.

Vous avez dit « le Pourceau du jardin » ?

Épicure fait preuve de tolérance et se distingue ainsi de l'Académie de Platon
Au Jardin, tout le monde est accueilli par Épicure

Non, le Pourceau du Jardin n’est pas une nouvelle série de super-héros ! Pourceau est le doux sobriquet donné à Épicure par ses détracteurs stoïciens, totalement hostiles et hermétiques à sa philosophie. La déformation de la doctrine épicurienne nous vient d’ailleurs des calomnies des stoïciens dont la fin n’est pas vraiment si éloignée de celle d’Épicure, à savoir la quiétude.

À chaque grand philosophe son école. Platon est le maître de l’Académie, Aristote du Lycée, la Stoa (portique) est la propriété des stoïciens. Et le Jardin est le modeste apanage d’Épicure et de ses amis et disciples. Parmi ces derniers, son propre esclave Mys ! Quand l’école de Platon arborait la célèbre épigraphe « que nul n’entre s’il n’est géomètre », le Jardin était une endroit modeste qui accueillait tout élève potentiel. Cela veut dire qu’Épicure acceptait volontiers de recevoir citoyens et non-citoyens : métèques, femmes, enfants et esclaves.

La mauvaise interprétation de la doctrine d’Épicure, et la modestie de son jardin, de même que son autodidaxie et sa tolérance, ont participé au bafouement de sa philosophie populaire. Mais au-delà d’une simple école de quartier, l’épicurisme peut se targuer de proposer une alternative pratique au platonisme, et Épicure fait partie des auteurs les plus prolifiques de son temps.

Un peu de Tetrapharmakon pour le dessert ?

Le tetrapharmakon d'Épicure : un quadruple remède aux troubles
Quoi de mieux qu’un quadruple remède pour aller mieux ?

Véritable panacée et plus efficace encore qu’un vaccin contre le coronavirus, le tetrapharmakon se veut être un remède sûr, et est la plus puissante des quadrithérapies. Le laboratoire qui en est à l’origine ? Le Jardin d’Épicure !

Tetrapharmakon (τετραφάρμακον) en grec signifie-quadruple remède. Mais il ne s’agit pas ici d’une pilule rouge ou bleue, plutôt d’un ensemble de quatre maximes qui résument une grande partie de la philosophie d’Épicure contenue dans sa Lettre à Ménécée.

Les dieux ne sont pas à craindre

La mort n’est rien

Le bonheur est accessible

La souffrance est facile à supporter

Épicure

Dix pages : c’est seulement ce qu’il faut à Épicure pour proposer une alternative des plus intéressantes à la philosophie de Platon. Une philosophie qui se veut pratique et accessible.

Les dieux : pour Épicure, l’existence des dieux est une évidence. Pour autant, ils sont incapables de faire du mal à qui que ce soit, et on ne doit pas les craindre : ils sont inoffensifs puisque les dieux sont les bienheureux !

La mort : vivre c’est être, mourir c’est n’être plus. On ne sent plus, on ne souffre pas quand on est mort. Alors pourquoi craindre quelque chose qui n’est pas ou qui n’est rien ?

Le bonheur : il est facile d’accès, il suffit simplement de prendre ses désirs en main. Cela s’effectue par un certain entraînement, une ascèse : c’est-à-dire par une restriction progressive de ce qui nie le bonheur. La philosophie épicurienne est cette voie qui mène au bonheur, elle est l’ascèse, l’éthique du bonheur.

La souffrance : la souffrance est facile à supporter, elle ne dure jamais éternellement, et n’est que passagère. Pour Épicure il y a en effet beaucoup plus de moments bons que des instants de souffrance. Le bien-être est un état qui dure alors que la souffrance est intermittente. Qui plus est, après la mort on ne souffre plus, c’est que la mort elle-même n’est pas une souffrance.

Épicure lui-même à sa mort a fait face à la douleur. Ce sont des calculs rénaux qui en sont responsables, le philosophe était alors âgé de 71 ans. Et c’est en parfait accord avec sa philosophie qu’il s’en est allé. Entouré de ses amis dans un bain d’eau tiède, il leur a demandé de se remémorer les bons moments ainsi que ses doctrines et a bu un verre de vin pur.

Pendant que nous parlons, le temps jaloux s’enfuit.

Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain.

Horace, Odes I, 11, TRAD. Leconte de Lisle, 1873