Entre fascination et inquiétude, la création par IA devient un enjeu majeur pour les artistes, les lecteurs et les créateurs de mangas et webtoons, et soulève de nombreuses questions éthiques.
Et si la main de l’artiste était peu à peu remplacée par des algorithmes ? C’est la question qui traverse aujourd’hui le monde de la création graphique, particulièrement dans les sphères du manga et du webtoon. Entre fascination technologique et inquiétudes bien réelles, l’intelligence artificielle soulève des débats éthiques de plus en plus brûlants.
Quand l’intelligence artificielle bouscule notre éthique
La création graphique par IA soulève de nombreux débats sur les enjeux éthiques. Comment créer sans effacer le travail des artistes humains ?
Depuis quelques années, l’IA est partout : elle compose de la musique, écrit des scénarios, génère des images. Et dans l’univers du manga comme du webtoon, elle devient un outil accessible à tous. En quelques clics, il est aujourd’hui possible de créer un personnage, un décor, voire des planches entières, en s’appuyant sur des générateurs graphiques entraînés sur des millions d’images.
Mais derrière cette apparente facilité se cache une question complexe : d’où viennent ces images ? Beaucoup de ces IA se nourrissent d’œuvres déjà existantes, souvent sans le consentement des artistes concernés. Des milliers de planches de mangas, de croquis, de dessins originaux sont analysés, découpés, réinterprétés par des programmes… sans que leurs créateurs ne soient consultés.
Le malaise est là. L’IA fascine par ses capacités, mais inquiète par son mode de fonctionnement.

Création ou appropriation ?
C’est là que le débat devient brûlant : utiliser une IA pour créer un visuel, est-ce vraiment créer ? Ou est-ce simplement assembler, recycler, piller même, des œuvres préexistantes ?
Pour de nombreux artistes, notamment dans la communauté manga et webtoon, le constat est amer. Derrière chaque trait généré par l’IA, il y a potentiellement le style de dizaines d’illustrateurs, capturés à leur insu. C’est une forme d’appropriation invisible. Un vol discret, algorithmique.
Mais certains créateurs y voient aussi un nouvel outil, un moyen d’expérimenter, de gagner du temps sur certaines étapes, ou même de chercher des idées. Tout dépend de l’usage. L’IA n’est pas forcément notre ennemie. Elle devient problématique lorsque son utilisation se fait sans respect des droits d’auteur… sans éthique.
D’ailleurs, certaines plateformes comme Bilibili participent elles aussi à transformer les pratiques créatives, comme on peut le voir dans notre analyse des webtoons de Bilibili.
La création assistée par IA
Le futur de la création graphique semble se dessiner dans l’hybride. Des artistes revendiquent déjà l’usage de l’IA comme un outil parmi d’autres, qu’ils associent à leur propre style. Là où certains redoutent l’effacement du créateur derrière la machine, d’autres préfèrent y voir un prolongement des capacités humaines.
Mais cette hybridation soulève d’autres dilemmes : comment distinguer une œuvre humaine d’une œuvre générée par IA ? Comment préserver la singularité artistique face à des images standardisées, parfois dénuées d’âme ?
Le risque est aussi économique : si les IA permettent de produire vite et à moindre coût, que deviendra le métier d’illustrateur ? Les plateformes de webtoons, déjà en quête de rentabilité, pourraient être tentées de remplacer certains artistes par des algorithmes. La question n’est plus théorique. Elle est déjà en train de se poser.
Pour mieux comprendre comment fonctionnent ces intelligences artificielles , cette vidéo de FRANCE 24 propose une explication claire et accessible :
Création IA et droits des artistes : un équilibre encore fragile
Dans cet entrelacs de créativité et d’algorithmes, ce sont bien les enjeux éthiques de la création par IA qui se retrouvent aujourd’hui au cœur du débat.
Des artistes exigent des législations plus strictes, des plateformes éthiques refusent les contenus générés sans consentement, et certains développeurs travaillent à créer des IA uniquement nourries d’œuvres libres de droits ou dont l’exploitation a été consentie par les créateurs eux-mêmes.
Il ne s’agit pas de rejeter en bloc l’IA, mais de lui imposer des limites. De défendre une création qui respecte ceux qui l’ont rendue possible.
Parce qu’au fond, ce qui fait la beauté d’un manga ou d’un webtoon, ce n’est pas seulement la perfection graphique. C’est l’empreinte de l’humain derrière chaque trait, chaque idée, et même chaque maladresse. Ce que l’on vient chercher dans ces récits dessinés, c’est une rencontre : entre une histoire, un style, et un être humain qui a voulu raconter quelque chose.
Et ça, aucune intelligence artificielle ne pourra jamais totalement le remplacer.
Si le sujet vous intrigue, nous vous conseillons aussi cet article très complet du Journal du Japon, qui revient en détail sur l’arrivée de l’IA dans le monde du manga.